vendredi 30 juin 2017

Les Nuits de la pleine lune

Décembre 1983 : cela se passe dans une brasserie aujourd'hui disparue de la place Saint-Michel (La Boule d'Or), au cours d'une longue nuit d'un tournage pas comme les autres. Le film s'intitule Les Nuits de la pleine lune ; il sera récompensé par le prix de la meilleure actrice à la Mostra de Venise et plusieurs fois nominé aux César en 1984.
Trente-quatre années sont bientôt passées, mais le souvenir reste extrêmement vivace dans ma mémoire, quoique flouté par le temps.

Et voilà que je retrouve avec bonheur une vieille planche contact.
Que voit-on sur cette photo ? Le réalisateur Éric Rohmer (1920-2010), qui fut un de mes enseignants deux-trois ans plus tard, et sa lumineuse actrice Pascale Ogier (1958-1984). Tous deux discutent devant le comptoir de la brasserie entre deux prises de vues. Je les photographie dans le reflet de la glace qui me fait face, Pascale Ogier habillée en Dorothée Bis et bandeau bleu clair autour des cheveux, Rohmer les bras croisés comme très souvent tout au long de cette soirée. J'apparais logiquement et de manière ostentatoire au premier plan.

Je suis assis non loin de l'escalier qui conduit au sous-sol et j'assiste, plusieurs heures durant, à la préparation, aux répétitions et au tournage de quelques-unes des scènes clés de ce long-métrage. Dans le film, Pascale Ogier remonte lentement les marches (vers la 53e minute), elle me frôle sur ma gauche, longe plein d'inquiétude l'espace devant les deux flippers, puis va rejoindre Fabrice Luchini qui se trouve deux rangées de tables plus loin.

Le croisement de la mémoire -cet ustensile fragile comme la bouilloire éclopée du film- et de la trace argentique est absolument fascinant.

Photo : Thierry Lefebvre.

1 commentaire:

  1. 1984 est l'année de mes 15 ans et de l'étrange souvenir du trouble suscité par l'annonce de la disparition d'une jeune actrice qui m'était inconnue, et dont la seule information que j'avais glanée à l'époque était son rôle principal dans un film au titre banal en même temps étrange et beau : "Les nuits de la pleine lune".

    2015, est l'année ou je me suis procuré un ancien flipper au thème "punk" qui se trouve toujours dans mon salon accompagné d'autres vieux objets contaminés par la nostalgie.

    2019 est l'année ou en reparcourant passionnément la filmographie de E. Rhomer, j'ai visionné le film "Les nuits de la pleine lune" et ai reconnu ce même flipper que frôle l'actrice lors de la scène de la brasserie. Intrigué par les multiples portées de ce film et saisi du plaisir de l'investigation, je suis aturellement
    arrivé sur l'article de votre blog et ai été conquis par sa magnifique évocation.
    Etait-ce un ultime raffinement de la part du réalisateur d'avoir inséré cette machine dont le thème rend hommage à Ellie & Jacno ?
    Etait-ce réellement le flipper qui se trouve dans mon salon près duquel vous étiez assis non loin et devant lequel passe Pascale Ogier ?
    Evidemment impossible et peu importe de le savoir.

    2021 est l'année qui m'a donné l'envie et le courage de publier un commentaire sur votre blog internet et de témoigner
    également de l'incroyable fascination que peut exercer -comme vous le dîtes- le croisement de la mémoire et de toute forme de traces, électronique pour la mienne, argentique pour la votre.

    Jérôme

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